La seconde moitié de la noire légion issue du Néant Secondaire, résurgence des Inomés, se rangea sous la bannière du Nankhor.

Bien que de nombreux Infants se soient perdus dans les Limbes aux confins du Cosmos, dans les illusions tissées par les Chimères, la Vie qui avait été l’œuvre initiale des Ewës aux cieux originels se déversait toujours en flots impétueux depuis les Voiles de l’Union aux domaines des Titans.
Agitées par les grands amours qui se poursuivaient aux Jardins d’Eternité, ils se répandaient majestueusement dans le Cosmos nouveau. La Vie, telle un puissant fleuve souverain amenait avec elle les essences unies de l’Espace et du Temps, portant en elle les lois de la Création, parcourue par la transmutation incessante et les rêves jeunes et forts des Enfants des Dieux.

Mais le Nankhor était déjà à l’œuvre aux portes des confins, il s’avançait maintenant dans les espaces de la Création, silencieux et prédateur. Dans l’ombre de l’éternité glorieuse, le mal était là, invisible.

Imperceptibles, d’infimes turbulences se formèrent régulièrement dans le cours du grand fleuve. Progressivement elles remontèrent les flots impétueux vers les plus proches domaines des Infants.
A force de leur occurrence ces perturbations parvinrent à isoler de petites sommes de Puissance. Au cœur des remous du fleuve cosmique s’engendraient ainsi des singularités, impossibles poches de hasard et de vide mais pleine d'énergie noire.
Aux dimensions d’abord infimes, irrégularités perdues, ces poches magnétisaient étrangement l'energie qui circulait autour d’elles. Mais c’était le signe du mal. Car auparavant, les entités ténébreuses dépêchées par la Grande Ombre à la frontière onirique du Cosmos, s’étaient soudainement fragmentées, infiniment, en particules toujours plus réduites, devenus poussière d’infimes étoiles noires. Elles s’insinuèrent rapidement par les interstices de l’entrelac des Mystères, à l’horizon du rêve. C’était le Nankhor. Poussière de Chaos, volonté noire s'insinuant dans les domaines trop turbulents des Enfants des Dieux. Des poches de vide semble-t-il, mais multiples, fragmentées, et emplies en vérité d’une intelligence aigüe.

Les Enfants des Dieux qui jouaient proches de la frontière demeuraient toutefois à ce stade sans ombre et intouchés par ces poussières. Mais silencieusement les singularités se multiplièrent, les rêves et les désirs de création des Infants gagnèrent subtilement en intensité. Car les points captaient autour d’eux l'énergie qui sans raison apparente se mettait ainsi imperceptiblement à magnétiser l'être même des Infants, gravitant en jeu autour de ces centres invisibles. Et, l’appel subtil du pouvoir, qui émanait de intelligence du Nankhor, se répandait dans leurs domaines. Ces Enfants des Dieux se laissèrent, inconscients, séduire par la force déliceusement grandissante de l'énergie. En silence et lenteur, le Nankhor plaçaient les Infants hôtes selon des schémas complexes que tissait en un lieu lointain, à l’autre extrémité du vaste Néant, la Noire Volonté.
La structure du chaos se mettait ainsi imperceptiblement en place.